Publié le 21.06.2022 | Texte: Lisa De Visscher

Le jeudi 9 juin, le fabricant de briques Wienerberger a décerné à Vienne le Brick 22, prix international récompensant les architectures en brique exceptionnelles. Parmi plus de 780 candidatures, le jury avait retenu 50 nominés – dont sept Belges – dans cinq catégories. Vu l’importante présence internationale, aucun projet belge n’a toutefois été primé.

Il existe une grande diversité de prix d’architecture. Des pouvoirs publics ou institutions publiques jusqu’aux fabricants de matériaux de construction en passant par les salons de l’immobilier, chaque grande organisation qui se respecte se doit d’émettre l’un ou l’autre prix. Par cette dixième édition du Brick Award, Wienerberger voulait « offrir une plate-forme pour une architecture d’exception », selon Heimo Scheuch, CEO de Wienerberger AG. « En particulier dans les périodes de turbulences, il est essentiel de continuer à se focaliser sur un avenir durable ». La crédibilité d’un prix d’architecture réside dans l’agenda sous-jacent et dans l’indépendance du jury. Celui-ci était composé cette année du Danois Jesper Gottlieb (lauréat du Brick 20 Award), de la Slovène Tina Gregorič, de la Néerlandaise Ingrid van der Heijden, de l’Allemand Wilfried Kuehn et de la Canadienne Brigitte Shim, le jury déclarant que pour la sélection, l’accent avait été mis sur les « méthodes de construction traditionnelles et locales, avec pour point de départ les créations architecturales innovantes et le bien-être ».

Le « Grand Prize » a été décerné au Jingdezhen Imperial Kiln Museum en Chine, conçu par Studio Zhu Pei, qui a également remporté le prix de la catégorie « Sharing public spaces ». Le musée se trouve juste à côté des ruines de l’ancien four à porcelaine impérial de la dynastie Ming. Quatre voûtes paraboliques en briques constituent le complexe muséal, qui comprend deux salles d’exposition au rez-de-chaussée et cinq autres en souterrain. Les voûtes sont composées de doubles murs en briques montés de manière traditionnelle puis remplis de béton. Les 2,8 millions de briques utilisées ici sont un mix de briques neuves et recyclées en provenance de la démolition des fours impériaux. L’appareillage spécifique qui crée l’esthétique des voûtes ainsi que la texture explicite des briques confèrent au projet une dimension remarquable et exceptionnelle.

Dans la même catégorie était également nominé le Leietheater à Deinze, signé Trans Architectuur en Stedenbouw et V+, ainsi que l’Erasmus College de Bruxelles, par B-architecten en collaboration avec Bevk Perovic.

Le collectif architectural équatorien Natura Futura a été primé pour son projet The House that Inhabits – Productive Urban Housing à Babahoyo, dans la catégorie « Feeling at home ». Cette habitation avec espace commercial se situe dans une banlieue pauvre de la ville qui, vu son développement rapide, est exposée à une gentrification galopante. La petite échelle du projet et le caractère visiblement artisanal de la maçonnerie sont intégrés dans un discours sociétal qui crée une résistance contre ce refoulement des riverains moins fortunés.

OYO architecten était également nominé dans cette catégorie avec sa villa à Drongen, un projet accordant beaucoup d’importance à la durabilité et à la réutilisation de la brique, mais le jury a estimé qu’il ne faisait pas le poids face au geste sociétal fort de Natura Futura.

La catégorie « Living together » a été remportée par un projet d’habitat collectif à Pantin, près de Paris, imaginé par Avenier Cornejo architectes. Trois volumes le long du Canal de l’Ourcq abritent 88 unités d’habitation et un espace d’activité au rez-de-chaussée.  Les briques moulées à la main sont montées en appareillage à mi-brique avec des joints creux. Les encadrements de fenêtres contrastent par leur appareillage flamand, où les têtes de briques sont légèrement en retrait pour créer un effet de relief. Les architectes ont choisi trois couleurs de briques différentes, en réponse à la brique jaune pâle de la minoterie des Grands Moulins de Pantin, construite en 1884 un peu plus loin à l’ouest, en bord de canal. Le choix du jury pour cette opération plutôt commerciale est surprenant étant donné la richesse architecturale des autres projets nominés. Quatre d’entre eux se situent en Belgique : les habitations collectives de l’Eilandje à Anvers par Sergison Bates architects, le Sky One project à Louvain par A2O, 34 habitations sociales unifamiliales à Zwevegem par Dehullu architecten, et les habitations sociales « Mexico » à Bruxelles par Vers.a. En témoignant d’une grande implication sociétale envers l’utilisateur et, dans le cas des habitations à Bruxelles, également d’un souci et d’une générosité envers le tissu urbain existant par la création d’un petit pocket-park public, ces deux derniers projets s’inscrivent davantage dans les valeurs et les ambitions préalablement formulées par le jury.

L’immeuble de bureaux 2226 à Emmenweid, en Suisse, de Baumschlager-Eberle Architecten a remporté la catégorie « Working together ». Le nom « 2226 » vient du concept architectonique qui garantit une température intérieure stable comprise entre 22 et 26 degrés Celsius. Les murs sont constitués de deux couches de briques de 36,5 cm d’épaisseur chacune : le mur intérieur est porteur et isolant, tandis que l’extérieur est uniquement isolant. De grands blocs de briques creux ont également été utilisés pour garantir une diffusion efficaces de la vapeur et, par leur importante masse thermique, contribuent considérablement à la stabilité du climat intérieur. Bien que cette manière de construire sans matériaux d’isolation et avec un minimum de techniques soit encore très révolutionnaire, ce projet reste une copie de l’immeuble de bureaux du même nom construit par les architectes en 2013 à Lustenau, par lequel ils avaient introduit ce concept sur la carte internationale. Le choix de ce projet pour son caractère novateur est dès lors moins pertinent.

La catégorie « Building outside the box » a couronné le projet Tsingpu Yangzhou Retreat en Chine. Cet hôtel de luxe réunit un ancien entrepôt et quelques habitations en un seul et unique grand complexe dont le plan géométrique strict se fonde sur l’architecture chinoise traditionnelle de longues maisons basses autour de cours intérieures. Ce projet s’articule de manière très chorégraphique autour de différents trajets à travers le complexe offrant une succession de vues traversantes donnant sur les patios de l’accueil, le restaurant et les chambres. L’utilisation de la brique est omniprésente et contribue poétiquement à la qualité spatiale du projet.

Une fois encore, Brick 22 a montré à quel point la brique est largement utilisée comme matériau de base pour des projets d’architecture d’exception et est intimement mêlée aux techniques de construction et aux matériaux locaux. On soulignera cette année le choix de projets où la brique est mise en œuvre de manière particulière, c’est-à-dire pas uniquement pour les murs, mais aussi pour les sols et les plafonds. Le jury s’est en outre montré très sensible à des appareillages spéciaux tels que ceux de la maison à Babahoyo, en Équateur, et à des méthodes de construction exceptionnelles telles que les voûtes paraboliques du musée en Chine. Par rapport aux éditions précédentes, tant au niveau des nominations que des lauréats, on constate un glissement allant d’une utilisation plus quotidienne ou structurelle de la brique vers des projets manifestant un caractère plus artisanal et des qualités esthétiques exceptionnelles. Le risque est toutefois de ramener la brique au rang de simple ornement, une brique-spectacle où l’effet primerait sur la qualité architecturale et urbanistique. Finalement, la brique reste un matériau de construction traditionnel qui, historiquement, dans de nombreuses régions, est à la base d’une architecture urbaine et, ce faisant, dans sa trompeuse banalité, a donné et donne encore un visage à la ville. La force et l’avenir de la brique résident surtout dans sa polyvalence et dans le fait d’être intégrée dans le quotidien. L’ornement et l’effet n’en sont qu’une partie. Cela devient surtout intéressant quand la brique soutient l’architecture, comme c’est notamment le cas au Leietheater à Deinze où, au-delà de l’aspect purement ornemental, l’appareillage structure la façade et s’inscrit dans un ensemble urbain plus global.

Dans cette édition de Brick, on constate également un glissement sur le plan géographique. Alors que dans les éditions précédentes, des pays où la brique régnait en maître tels que la Belgique, le Danemark ou la Grande-Bretagne étaient souvent mis à l’honneur, on assiste à présent à l’émergence d’un monde nouveau. En plus de constituer une source croissante de projets et d’architectes inconnus, ces nouveaux pays sont évidemment aussi de nouveaux marchés encore inexploités pour la production et la vente de briques. Ici aussi, on peut se demander comment concilier matériaux, architecture, durabilité et préoccupations sociétales. Une perspective d’avenir pleine de défis !

Pour plus d’informations sur les projets lauréats, rendez-vous sur www.brickaward.com

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