Publié le 04.04.2023 | Texte: Seppe Feijen

Toutes les bonnes choses vont par trois, dit la sagesse populaire. Rien n’est moins vrai pour Nuit Américaine, la nouvelle exposition de Marc Camille Chaimowicz à l’espace WIELS. Dans le splendide ancien temple de la bière, l’artiste construit trois installations qui interpellent en termes d’espace, d’esthétique et de contenu – et s’accompagnent d’un petit arrière-goût d’étrangeté plutôt persistant.

Touche-à-tout extravagant, Marc Camille Chaimowicz a débuté sur la scène artistique londonienne dans les années 1970. Par des performances et des installations, il combine la peinture, le collage, la vidéo et le design pour créer une œuvre nuancée et ambiguë qui ne cesse de croître depuis plus de cinquante ans.

Intimité, domesticité et désir sont les intitulés sous lesquels Chaimowicz crée pour le WIELS trois espaces successifs aussi simples que perfectionnés. Plongée dans une semi-pénombre, la salle 1 est éclairée par des boules disco, des bougies et des lampes multicolores, et baigne notamment dans la musique des Strangers. Divers éléments évoquant la fête sont soigneusement posés sur le sol : guirlandes, confettis et fleurs, mais aussi coupures de magazines, photos et pochettes de disques. On ne sait pas vraiment si la fête : (a) est finie, (b) doit encore commencer, (c) bat son plein, ou (d) n’aura jamais lieu. La salle 2 contient quatre « faux » murs d’un living, déployés tel un paravent pour créer un théâtre de marionnettes grandeur nature. La taille industrielle de l’espace muséal est en contraste criant avec l’orchestration rigoureuse des meubles design, petits tableaux et motifs de papier peint de la composition. Une série de photos de modèles, prises dans la pièce d’origine et accrochées au dos de la reconstitution, baigne dans une atmosphère froide et étrange.

La salle 3 contient une trentaine de collages éclectiques basés sur le roman « Madame Bovary » écrit au 19e siècle par Gustave Flaubert. Conçus comme des lettres adressées au personnage qui a donné son nom au roman, ces collages baignent dans une ambiance de désir sexuel, de mélancolie débordante et d’addiction décomplexée au shopping. Chaimowicz mêle l’écriture manuscrite, les coupures de presse, les dessins et les gabarits pour en faire une ode à l’esthétique « camp » des balbutiements d’internet. Ici aussi plane un âcre parfum persistant généré par l’ampleur obsessionnelle des collages et les échos des disques joués dans la salle 1.

Les installations « montrent la vie vue à travers le prisme de l’art », l’accent étant principalement mis sur l’importance de montrer (et le fait que ce soit impossible). Le guide du visiteur nous apprend que l’exposition est avant tout construite autour de Chaimowicz sous sa facette de « dandy discret ». Toutefois, par la scénographie claire et cohérente de la Nuit Américaine, on se sent autant auteur que spectateur. Dans leur perfection glaciale, les trois installations sont très ouvertes à un large éventail d’interprétations et de récits propres – raison pour laquelle le soussigné recommande de ne consulter le livret du musée de préférence qu’après la visite.

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