Plaisir de construire pour les enfants
Melopee, XDGA, Gand
A+293 Brussels Architecture Prize
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Le projet du Stadsgebouw sur les Oude Dokken à Gand ne fut pas une sinécure. Le programme – un bâtiment hébergeant une école primaire, une crèche, une garderie et une salle de sport – se devait d’entrer au chausse-pied dans le minuscule terrain disponible. De plus, le master plan d’OMA prévoyait un « ruban de jeu » parcourant le terrain. La réponse proposée par XDGA fut surprenante.
En 2004, OMA proposa le « modèle brochette » pour transformer en zone urbaine à part entière cette ancienne zone portuaire coincée entre la Koopvaardijlaan et les Oude Dokken. Dans ce modèle, plusieurs programmes en bandes parallèles, perpendiculaires à l’eau, s’articulent le long d’une rue intérieure – le « ruban de jeu ». Seule la parcelle du Stadsgebouw, baptisée Mélopée, occupe la totalité de la profondeur de l’îlot. Mais là aussi, il fallait que le ruban de jeu puisse se poursuivre.
Dans une note accompagnant son projet dans le cadre du concours, XDGA indiquait qu’organiser le programme d’école et de salle de sport avec des espaces extérieurs puisés dans le volume construit était chose complexe ; d’autant plus que la Ville souhaitait une école « élargie » accessible également au voisinage en dehors des heures scolaires. Cette approche nécessitait un accès séparé aux divers locaux et à la salle de sport. XDGA a solutionné cette problématique en scindant radicalement les espaces intérieurs (comme les classes ou le réfectoire) et extérieurs (comme les espaces de récréation et l’espace extérieur destiné à la crèche, mais aussi une terrasse pour la cafétéria de la salle de sport ou encore une « cage de sport »).
En résulte une boîte compacte de 31 mètres sur 40 contenant tous les espaces intérieurs. Au rez-de-chaussée se trouvent la crèche et les locaux de la direction. Un large escalier mène de l’entrée commune côté nord aux classes maternelles et à l’accueil parascolaire au premier étage, ainsi qu’à l’école primaire au deuxième étage. Au premier étage, un vaste réfectoire haut de deux niveaux constitue le cœur de l’école. Malgré l’empilement compact, les larges couloirs et l’escalier offrent de nombreuses possibilités d’activités (collectives) en dehors de la classe. Le bâtiment renvoie l’image d’un manteau volumineux aux nombreuses poches. La salle de sport surplombant l’école, également haute de deux niveaux, est quant à elle accessible depuis l’extérieur du bâtiment par une cage d’escalier et d’ascenseur distincte.
En contrepoint de cette boîte « pleine », s’affirme une boîte « creuse » : une gigantesque cage constituée de colonnes et poutrelles en acier galvanisé. Les « murs» sont constitués d’un treillis métallique recouvert de plantes grimpantes, des fenêtres ont été conservées çà et là. À l’intérieur de la boîte, les sols, escaliers et passerelles constituent un puzzle en 3D d’espaces extérieurs, tels que les espaces de jeu ou la « cage de sport ». Ainsi, chaque élément du programme du bâtiment correspond directement à un espace extérieur, tandis qu’un escalier extérieur offre un désenclavement supplémentaire pour l’espace de jeu de l’école primaire et la salle de sport.
Au premier étage, un espace central ouvert constitue le cœur de cette « boîte creuse », tel un reflet du réfectoire dans la « boîte pleine ». La réflexion spatiale entre « plein » et « creux » est accentuée par le fait que la grille de la cage extérieure se prolonge aussi autour de la boîte fermée. Cette dernière n’a toutefois pas l’air d’être close dans la mesure où ses parois sont composées uniquement d’encadrements de fenêtres ou de panneaux en polycarbonate translucides. Ceux-ci passent également devant des parties de murs fermées qui, de ce fait, semblent disparaître.
Il n’a quasiment plus été question de modifier le projet une fois le concours passé. Le déplacement de la crèche vers le sud du bâtiment, avec vue sur le futur parc, en constitue le principal changement. Son espace extérieur a été découpé dans le socle du bâtiment, et ne fait donc plus partie de la « boîte creuse ». Dès lors, le ruban de jeu, tel un large passage rectiligne de 12 mètres, peut se faufiler le long du bâtiment « plein » en passant sous le « perron » vitré du réfectoire. D’un côté se trouvent la salle de réunion de l’école et la salle des profs, tandis que de l’autre, les enfants disposent d’un espace pour jouer. Le ruban de jeu concrétise ainsi le lien entre l’univers de l’école et la ville.
Après le concours, le projet a également été enrichi de détails architecturaux. La « boîte creuse » a été agrémentée de manière plus diverse et imaginative encore. Dans le réfectoire, l’habillage en briques émaillées et perforées de couleur rose bonbon, au-delà de contribuer à l’acoustique, égaie l’atmosphère. La salle de sport est vraiment surprenante. Ici aussi, les briques émaillées aux propriétés acoustiques dominent, mais c’est surtout la hauteur étonnamment limitée des poutres de support du toit plat – nécessaire pour respecter les hauteurs de construction admises – qui suscite l’admiration. Laurent Ney (Ney & Partners) a réussi ce petit tour de force au moyen de boîtes en métal.
Reste à voir le résultat final de ce bâtiment qui ne sera livré qu’à l’automne prochain. En juin 2019, il était en tout cas déjà plus que prometteur.