L’architecture : une recherche patiente et intense

« Openings » se penche sur la démarche architecturale du bureau parisien h2o architectes. H2o fut fondé en 2005 par Charlotte Hubert et Jean-Jacques Hubert, rejoints par Antoine Santiard en 2008. H2o est donc un bureau encore relativement jeune et de taille plutôt modeste, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une production énorme et d’une grande qualité constante. Les nombreuses distinctions remportées par h2o en sont la preuve. On sera tout aussi frappé par la polyvalence de l’équipe : de la chaise à la ville, de la construction neuve à la restauration, h2o sait tout faire. Leur secret : ils partent toujours d’une étude approfondie des lieux et de la mission.
Dans un essai, Fanny Léglise révèle la « recette secrète » de h2o. Dans sa manière d’aborder un projet, le bureau va toujours bien plus loin que ce qu’a formulé le commanditaire. Cela débute par une étude de l’histoire des lieux, et se poursuit par des discussions avec tous les intéressés. Le dessin, qui n’intervient que dans la phase suivante, est également un instrument de dialogue et de recherche pour h2o. C’est aussi ce que dit l’architecte-anthropologue Miguel Mazeri dans son texte. Dans « Openings », le grand intérêt que suscite h2o est également révélé par une contribution inattendue : les « rhumbs », poèmes en forme de rose des vents écrits par le poète Frédéric Forte dans le cadre de certains projets.
La contribution la plus pointue de l’ouvrage vient toutefois de Bernard Tschumi qui, comparant h2o à des architectes qui ont marqué le 20e siècle, constate qu’à première vue, ils ont l’air moins à cheval sur les principes. Mais d’après lui, c’est une illusion d’optique. Il estime en effet que h2o cherche systématiquement et tactiquement ce qu’il y a d’exceptionnel dans un lieu et se fait fort d’en tirer le meilleur, tout en fonctionnant à l’économie. C’est ça, créer des projets durables ! Pour Bernard Tschumi, il s’agit d’une nouvelle pratique de l’architecture, qui part de l’existant pour tenter de répondre à de vastes enjeux environnementaux).
Ajoutons à cela que h2o aborde le patrimoine avant tout de manière exemplaire, avec subtilité et sans préjugés. Citons pour exemple l’immeuble d’appartements à l’angle des rues Véron et Lepic à Montmartre. Sans que cela saute aux yeux, sa volumétrie reprend la typologie des bâtiments d’avant 1850. L’immeuble, qui donne l’impression d’avoir toujours été là, possède des détails qui lui confèrent un air très contemporain. On connaît mieux la rénovation du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, en saisissant contraste avec l’approche plus musclée de Lacaton & Vassal pour le Palais de Tokyo adjacent. Toujours à Paris : les petits bancs autour de la Madeleine ou sur le parvis de l’Assemblée Nationale.
Le livre ne présente que 29 projets. Il contient une sélection rigoureuse allant du très petit (du mobilier urbain, une chambre d’enfant), en passant par le petit et le moyen (une habitation, une crèche), pour aboutir au (très) grand (immeubles de bureaux, d’appartements, musées). Chaque projet est introduit par une courte description. Viennent ensuite des photos, notamment de maquettes, et quelques dessins, souvent des détails judicieux représentés en 3D. Les renderings brillent ici par leur absence. Apparemment, ce sont des attrape-nigauds auxquels h2o se refuse de contribuer.
Parmi les images d’architecture, on peut voir çà et là des snapshots de collaborateurs penchés de concert sur un projet. C’est le véritable message de ce livre : l’architecture, c’est une patiente recherche qu’on mène jusqu’à trouver l’ouverture offrant une alternative aux normes et descriptions de projets coulées dans le béton, qui se traduisent par une multiplication de réalisations quasi identiques, sans égards pour le lieu et les utilisateurs. Une architecture qui part du contexte, et non de solutions standards.
Openings
Rédaction Building Paris, avec h2o architectes et Fanny Léglise
Langues français/anglais
Éditeur Park Books, Zürich
ISBN 978-3-03860-198-2
Hardcover, 372 p.