Publié le 02.06.2022 | Texte: Pieter T'Jonck

Derrière la crise de l’énergie qui a succédé à la celle du COVID à la une des journaux (exception faite de l’Ukraine), une autre crise se cache depuis bien plus longtemps. Il s’avère que les personnes à revenus modérés peinent de plus en plus à acheter une maison ou à trouver une location abordable, alors qu’elles gagnent trop pour pouvoir accéder au secteur du logement social. Ce phénomène n’est pas purement belge : on le constate dans de nombreux pays d’Europe. Une des causes de cette crise est que l’immobilier est de plus en plus considéré comme un placement plutôt que comme un bien de consommation, ce qui force considérablement les prix à la hausse. La problématique se voit encore renforcée par une pénurie – prétendue ou réelle – de terrains.

L’ouvrage « Operatie wooncoöperatie: uit de wooncrisis door gemeenschappelijk bezit » (trad. libre : Opération coopérative d’habitat : sortir de la crise du logement grâce à la propriété collective) d’Arie Lengkeek et Peter Kuenzli propose comme remède la coopérative d’habitat. Mais attention : une coopérative, ce n’est pas (forcément) du cohabitat, pas plus que du « sharing ». Il s’agit d’une manière de construire et d’habiter où la propriété est collective, et est gérée de cette manière. Cela permet d’offrir un habitat à prix coûtant étant donné qu’il n’y a aucun bénéfice à écrémer. En outre, contrairement aux promoteurs immobiliers, ce genre de coopérative a tout intérêt à investir dans des constructions durables pour limiter les coûts d’entretien et garantir ainsi de pouvoir assumer les frais sur le long terme.

En Belgique, même si une organisation telle que Wooncoop œuvre ardemment à la tâche, les coopératives restent un marché de niche étant donné que le contexte politique n’est pas porteur. Il en va de même aux Pays-Bas. Pour faire l’acquisition de terrains, les coopératives qui se lancent chez nos voisins du nord doivent donc batailler ferme contre des groupes disposant de moyens financiers conséquents. Et le combat est souvent perdu. La situation est totalement différente en Allemagne (Munich), en Autriche (Vienne) et en Suisse (Zurich), où les pouvoirs publics ont créé un cadre législatif fort autour de la construction coopérative, et soutiennent par ailleurs les coopératives pour l’acquisition de terrains et le financement de projets. Leur raisonnement est qu’un modèle d’habitat coopératif permet d’offrir une solution inclusive, abordable et durable. Cela justifie l’intervention de l’État, par exemple pour freiner la spéculation sur les terrains.

« Operatie wooncoöperatie » est un livre véritablement passionnant – même si certains passages le sont moins – qui expose clairement le (dys-)fonctionnement du marché du logement, les mécanismes en jeu et la manière dont une coopérative peut être une alternative dans cette problématique, comme troisième voie entre les secteurs de l’achat et de la location. Plusieurs points sont en outre illustrés par des plans de projets de coopératives particulièrement innovants à Vienne, Munich et Zurich.

« Operatie wooncoöperatie: uit de wooncrisis door gemeenschappelijk bezit », Arie Lengkeek et Peter Kuenzli, Valiz, Amsterdam 2022, paperback 265 pages. ISBN 978-94-93246-06-5. Prix conseillé 24,50 €.

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